Exposition THIS ISN’T HAPPENING
par Woody Le Chêne
du 12 au 29 juin 2025
Vernissage le 12 juin à 18h
Woody Le Chêne, la vérité avance masquée…
Observateur méthodique de nos contradictions, Woody Le Chêne accumule les preuves de notre autodestruction. Dans le bain médiatique qui nous submerge, il puise inlassablement les images traumatiques, tel un archiviste méticuleusement désespéré, et les déguise en objets esthétiques.
Son travail explore simultanément plusieurs territoires : guerre, migration, cartographie, crise environnementale, et aborde le tout avec une indifférence technique revendiquée : c’est un état des lieux dépassionné d’une époque modelée par la réification de tout.
Dans leur densité oppressante, ses premiers travaux évoquaient déjà le devenir évidemment dystopique dans lequel le monde se projette chaque jour plus sûrement. Pourtant sa palette s’est progressivement adoucie, s’ouvrant à une plus grande variété de teintes aux nuances presque optimistes. Presque. Car ce que Woody le Chêne documente compulsivement, c’est notre capacité de spectateur à nous accommoder de l’inacceptable, pire, à en concevoir une forme de fascination.
Dans un contexte qui voit succéder à la fin du XXe siècle – marqué par le développement des technologies médiatiques transformant fondamentalement notre rapport aux images – un XXIe siècle s’ouvrant sur les attentats du 11 septembre 2001, l’artiste fait le constat d’une incohérence symptomatique : la sexualité reste taboue dans une société qui s’abreuve quotidiennement de violence. Un paradoxe tout relatif au sein duquel le caractère subversif de la sexualité, marchandisée par la pornographie, se trouve abrasé pour rentrer dans le rang insignifiant de la consommation.
En transformant, par un travail d’épure, les images choquantes en motifs décoratifs, Woody Le Chêne crée une distance formelle qu’il décline en teintes douces, presque pastel. Le jeu formel composé autour de ces nuances se met étrangement à évoquer les motifs militaires de camouflage. Dans l’atténuation chromatiques des affects, la fonction du camouflage se précise : dissimuler pour mieux agir.
Ce discours de la disparition suscite une ambivalence dérangeante : ce « piège esthétique » fonctionne comme un mécanisme révélateur. L’artiste attire d’abord le spectateur par la séduction formelle des œuvres – qualités graphiques, palette chromatique « apaisante » – pour ensuite lui laisser la possibilité d’en déceler la violence refoulée. Comme dans La zone d’intérêt de Jonathan Glazer : nul besoin de voir les chambres à gaz pour comprendre l’obscénité du décalage.
Ses peintures plus récentes de la série War images déjouent d’ailleurs les poncifs du bruit et de la fureur. Derrière ces petites maisons aux toits colorés rangées dans une joliesse de papier peint ou de modèle réduit, une autre réalité est à l’œuvre : celle de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la destruction du barrage de Kakhovka en 2023. Déni et dissimulation instaurent le fond visuel qui ensommeille notre raison.
Étonnamment, son répertoire iconographique inclut également des tableaux de fleurs. Il ne s’agit pas d’une erreur de casting : évoquant le déclin naturel et cyclique, elles incarnent une forme de résistance poétique face à la destructivité industrielle. Elles agissent aussi comme référence critique aux catégories artistiques classiques, celles qui ont servi l’hégémonie occidentale, la conquête, le colonialisme… Elles sont là enfin comme ces bouquets que l’on dépose sur les lieux d’un accident mortel, symboles dérisoires de notre impuissance face à la catastrophe. Memento Mori, rappelant que même la beauté, comme le reste, sera consommée avant d’être digérée.
Woody le Chêne sait parfaitement l’inutilité de son geste, c’est cette conscience aiguë de la futilité qui confère à son travail sa puissance désespérée.
Pour sa première exposition personnelle à Paris, Woody le Chêne nous présente donc un miroir déplaisant – à l’exactitude pourtant irréprochable. C’est précisément parce qu’il ne propose aucune consolation qu’il attire notre attention.
Texte par Alexandre Herrou, Avril 2025
Woody Le chêne est peintre et sérigraphe. Originaire de Manchester au Royaume-Uni, il vit et travaille désormais à Montreuil.
galerie paul*13
13 rue la Condamine, 75017 Paris
Dates : Du 12 juin au 29 juin 2025
Vernissage jeudi 12 juin à partir de 18h
Ouvertures : jeudi à dimanche de 12h à 20h
Tarif : Gratuit
Accès : Métro ligne 13/La Fourche, ligne 2/Place de Clichy