Exposition : Les Demoiselles Revisited
Artiste : Bedri Baykam
Dates : du 3 mai au 14 juin, 2025
Lieu : Galerie S/Beaubourg
Adresse : 35 Rue Quincampoix, 75004 PARIS
Le parcours, imaginé par Art Mouvance, spécialiste de la scénographie d’exposition et des récits muséologiques, propose un accrochage performatif et minimaliste. Les œuvres, simplement disposées à hauteur d’homme, participent pleinement de l’expérience de la visite, invitant le spectateur à vivre une « expérience organique » face à la toile. « Cherche à être l’œuvre », peut-on lire sur certains cartels. Mais pourquoi ? Les personnages féminins de Bedri Baykam — tantôt muses, tantôt compagnes d’un harem imaginaire ou de celui de Picasso — évoquent les femmes exotiques de la rue d’Avinyó, qui inspirèrent en 1907 Les Demoiselles d’Avignon, monument fondateur de la peinture moderne. Elles croisent ici la sensualité de silhouettes noires anonymes — debout devant un fauteuil, en posture de scène, ou allongées, lascives, sur un canapé, comme en attente, face à une fenêtre ouverte sur la capitale. À ces présences énigmatiques répondent les regards introspectifs des modèles nus de Baykam, capturés dans ses lenticulaires « 4D » — sortes de grandes baies, où la dimension temporelle s’incorpore à l’œuvre. Les formes, sculptures et corps s’y démultiplient en un jeu de transparences, en dialogue avec un Istanbul à la croisée des cultures occidentale et orientale. Quel est leur point commun? La puissance féminine, la sexualité exposée — cette force qui, depuis toujours, a submergé le regard masculin : celui des peintres, celui des hommes. L’archétype de la prostituée a longtemps emprisonné dans la réalité l’inspiration artistique dans les cadres de l’histoire de l’art occidental. Peut-on dès lors rendre leur liberté aux Demoiselles, qu’elles soient celles du passé, celles de Madame Claude, ou celles de la maison close de Varol à Istanbul, où les jeunes hommes vivaient leur première expérience sexuelle? Refoulerons-nous encore longtemps, loin de nous, cette figure à la fois fragile et puissante, reléguée aux ruelles sombres, aux histoires cachées, aux mensonges, aux scandales, aux cabarets sordides, aux lieux inavoués d’une urbanité brûlante et marginale — les « coins chauds » de la ville ? Cachée, maquillée, inavouée, rejetée ? L’exposition incite à cette réflexion par un jeu de miroirs entre les œuvres, face à nous. Elle invite le spectateur à entrer dans l’image, à s’y perdre, et à se demander: et si c’était moi ?