Exposition Gull Rosdahl : Collection Stéphanie Peyrissac
9 avenue de Lamballe 75016 Paris
Ouverte tous les jours en prenant rendez-vous par téléphone ou par e-mail :
Tel : 06 11 72 55 88
E-mail : contact@collectionstephaniepeyrissac.com
Site internet : www.galeriecollectionstephaniepeyrissac.com
« On ne peint pas pour les étudiants en école d’art ou pour les historiens, mais pour des êtres humains, et la réaction en termes humains est la seule chose qui est vraiment satisfaisante pour l’artiste »
Mark Rothko, entretien avec William Seitz, janvier 1952
Ma nouvelle exposition est consacrée à une femme peintre : Gull Rosdahl, née en 1922.
Je souhaite mettre en lumière une artiste et son œuvre. Une femme qui aura cent ans le 15 juillet et qui dessine et peint chaque jour depuis les années 1940. Son fils, le peintre Pontus Carle souligne d’ailleurs que le fait de peindre revêt pour elle un caractère vital. « Ma mère peint comme elle respire. »
Une carrière de plasticienne de plus de 80 ans qui force l’admiration et qu’il était temps de révéler de nouveau au public. J’adhère aux propos de Mark Rotkho selon lesquels, l’œuvre d’un artiste se révèle par les émotions qu’elle suscite aux spectateurs.
La personnalité de Gull Rosdahl est complexe et il faut en comprendre la nature pour appréhender son art. On sait peu de choses sur son enfance. Elle est née à Ängelholm dans une petite ville de bord de mer dans le sud de la Suède. Son père militaire avait vingt-cinq ans de plus que sa femme. Gull est l’ainée. Elle a eu un petit-frère dont elle est très proche et dont elle s’occupe beaucoup. Sa famille rapporte que déjà petite fille son moyen d’expression est le dessin. Elle est si concentrée quand elle dessine que ses parents craignent qu’elle soit sourde. A 20 ans, elle intègre une école de dessins publicitaires. A 21 ans, elle écrit des contes de fées et les illustre pour un grand quotidien suédois. A 22 ans, elle passe une année dans l’atelier d’Otte Sköld à Stockholm[1]. Elle décide ensuite de voyager et à ce titre, elle fait partie de ses femmes aventurières et audacieuses qui après la seconde guerre mondiale ont eu soif de voyages et de découvertes. Un premier voyage en Italie, étape essentielle depuis toujours à la formation des artistes, puis l’Afrique du Nord, la Tunisie où elle découvre sans aucun doute une nouvelle lumière et des couleurs différentes de sa Suède natale. En 1949, elle choisit la France et l’Académie d’André Lhote pour se former auprès d’un grand maître de la peinture moderne. De retour en Suède, elle connait ses premières expositions personnelles et de francs succès. Depuis 1959, elle vit en France et retourne en Suède chaque été naviguant aisément entre deux langues et deux cultures.
J’ai personnellement rencontré Gull cet hiver et elle m’a ouvert son atelier. Impossible de montrer en une fois les travaux de huit décennies. Mon choix s’est porté essentiellement sur les œuvres des années 1950 à 1970. Cette exposition est une suite logique à l’exposition « Femmes peintres et sculpteurs de l’abstraction à Paris dans les années 50 » organisée il y a juste un an. A cette occasion, j’y avais présenté quelques-uns de ses dessins très vite repérés par les collectionneurs aguerris.
Avec 18 peintures et un ensemble d’œuvres sur papier, je souhaite vous faire rentrer dans le monde secret de Gull Rosdahl. Dans ces scènes mystérieuses toujours réalisées à l’atelier, vous découvrirez une œuvre originale et intime qui semble parfois abstraite à première vue mais dont la figuration est toujours sous-jacente. Tout un univers symbolique, peuplé d’oiseaux, de fleurs et d’instruments de musique apparait à qui pénètre la peinture… J’ai découvert en traduisant son prénom qu’il signifie goéland en suédois.
L’exposition commence avec des peintures figuratives dans lesquelles j’aime particulièrement l’atmosphère nordique reflétée dans les objets du quotidien avec leurs formes simples et dans les scènes de genre. Sa peinture est empreinte du souvenir de sa ville natale aux hivers particulièrement froids et aux longues marches dans la nature.
L’exposition se poursuit avec des peintures dans lesquelles les leçons retenues sur le cubisme synthétique à l’académie d’André Lhote se ressentent. Les paysages sont décomposés. Les personnages, souvent des femmes sont là, cachés dans les plans colorés. Gull Rosdahl a un sens de la couleur très poétique comme si poésie et couleur étaient liées. Elle n’a pas besoin d’utiliser de mots pour s’exprimer mais des couleurs. Quand la couleur envahit toute la toile, elle devient expressionniste et donne le ton au sujet. Parfois les couleurs à l’arrière-plan sont apposées comme les tesselles qui composent une mosaïque. Souvent plusieurs personnages se juxtaposent, mi-homme, mi- animal et il faut être patient et laisser son œil reconstruire le motif. Le peintre ne se sert jamais d’esquisses, elle dessine puis peint directement sur la toile comme un prolongement de sa pensée.
Encore aujourd’hui comme chaque jour, Gull Rosdahl travaille à sa table à des huiles sur papier et sur textiles. Plusieurs toiles commencées sont posées sur le sol et Gull assise peint avec de grands pinceaux.
En substance, Gull Rosdahl peint pour nous des contes mais nous laisse deviner son monde intime et en cela rejoint l’idée de Pablo Picasso « tout ce qui peut être imaginé est réel ».
Stéphanie Peyrissac mai 2022
[1] Otte Sköld (1894 – 1958), membre de l’académie des Beaux-Arts de Stockholm, avait dirigé l’Académie scandinave de peinture à Paris dans les années 1920. Son style appartient à celui de la Nouvelle Objectivité.